Comment un cancer change une personne.

30 juin 2015

Depuis l'annonce du cancer qui me ronge, une crevasse s'est formée. Loin derrière en haut de cette faille qui n’en finit pas de grandir, il y a l'avant et du fond de ce gouffre où je me trouve jusqu'au dernier jour il y aura un après. Cet après, c’est mon temps à moi seul. Rien n'est plus comme avant, rien ne correspond plus à mes valeurs, tout est complètement chamboulé jusqu'à l'équilibre de mon couple qui explose.

Jeune, j’ai pris le temps de vivre avec beaucoup de facilité. J’avais un bon boulot, je gagnai très bien ma vie, j’avais une vie sociale et amoureuse débordante de bonne humeur et de moments à jamais inscrit dans ma mémoire. Et puis, comme tout à chacun, il y a un moment où il faut ralentir les excès et les débordements pour se ranger sur une vie plus « constructive ».

J’ai fait cette transition. Déménagement en province, nouvelle vie, nouveaux contacts beaucoup plus futiles et puis mariage, enfants, maison, boulot, beaucoup de boulot pour tout payer en étant certain que le bonheur c’était ça. Le parcours classique pour assurer une vie correcte à sa descendance. 

J’ai vécu trente ans en faisant des concessions, j’ai vécu trente ans en hypocrite ce qui ne m'a pas empêché d'être sincère dans mes sentiments. Ce n’était pas mon choix, pas ma vie. Aujourd’hui je sais que je vais vivre beaucoup moins longtemps que je l’avais prévu, alors c’est peut-être un peu brutal pour mon entourage, c’est surement très égoïste, mais je ne veux plus faire  de sacrifice. Je veux simplement vivre pleinement chaque instant et jouir de la vie. Je sais que je ne peux pas demander à mes proches de me suivre et quand bien même ils le feraient, c’est eux qui en souffriraient.

Je vais me faire un passeport tout neuf, et partir. Partir comme je l’ai toujours rêvé. Le blog restera mon lien et ces voyages me donneront surement plus de temps et d’inspiration pour remplir ces pages.

Je ne garde de point d’attache dans ma province d’adoption que pour gérer la suite du traitement, le reste du temps, je serai libre comme le vent.

Cancer, entre record et souffrance

22 juin 2015

Je viens de traverser 24:00 de délire. Sur ce temps j'en ai pris 10% la nuit dernière pour me vider, assis sur mon trône d'émail avec une bassine sur les genoux.
Ça, c'est le bonheur des effets secondaires. Effets qui deviennent tertiaires et même quaternaires puisqu'ils dépassent trois semaines,  qui se traduisent en ce moment par des des réactions gastriques très préoccupantes.

Les examens sanguins on confirmé de très gros problèmes bactériens qui résultent de la destruction de la bête par la chimio. Du coup, la chimio qui devait avoir lieu le 23/06 est repoussé d'une semaine et en attendant, petite cure d'antibiotique pour varier les plaisirs.
Pour le reste, je viens de gagner une citation.
Le cumul de mes examens que je rate la plus part du temps sont plus épais que le bottin de la Creuse.

Contre le cancer, l’union fait la force

14 juin 2015

Les rencontres provoquées par mes digressions sur ce blog m’ont depuis plus de trois ans porté au-delà de ce que j’aurai pu imaginer. J’ai noué des relations avec d’illustres inconnus qui peu à peu sont devenus ma famille, mon quotidien, mes amis, une famille qui s'est imposée naturellement.

Quand j’ai appris la fin du calvaire de Jean-Pierre avec qui je n’avais jamais communiqué, j’ai eu l’impression de perdre un de mes proches. Ce n'était pas le premier compagnon de douleur qui nous quittait, mais la succession de ces disparitions ne développe pas d'accoutumance et ne ménage pas ma sensibilité.

Jean-Pierre avait au gré de ses recherches sur le web, lu mes écrit. Il en avait communiqué ses impressions à son épouse, Dominique, et à Marc, Président à l’époque de CerHom, association de lutte contre « les maladies masculines ».

Très rapidement j’ai été convaincu par Marc et Dominique de l’importance d’agir auprès de cette association dont Jean-Pierre était un porte-drapeau, un initiateur, un membre plus qu’actif.
Comme un grand nombre d’associations, il est malheureux de constater que la lutte de pouvoir mène à l’échec et que la mesquinerie mène au mépris.

Jean-Pierre est parti avec ce sentiment bien marqué que l’équipe de gamins en quête de pouvoir l’avait rejeté. Des gamins qui se permettent de tutoyer un grand professeur sans aucun respect, des gamins qui ne rêvent que d’avoir les coordonnées d’un parrain, acteur reconnu pour se la jouer devant leurs potes. Des gamins qui n’ont aucun sens de la gestion et de la responsabilité que porte une telle association, des gamins qui sont tellement fiers de leur action qu’il sont totalement incapable de recevoir des conseils ou des aides par excès de fierté, des salles gosses qui finirons par tout détruire en se créant eux même des distentions. En résumé, un simple manque d’humanité, de raisonnement et d'humilité.

Vendredi dernier, j’ai assisté à l’inhumation de Jean-Pierre, j’ai serré dans mes bras son épouse Dominique qui me reprochait de ne pas être raisonnable de faire une telle distance pour l’embrasser. J’ai en même temps mis un visage sur Marc, Dominique, Hélène, Bernard, toutes ces personnes qui au premier contact donnent l’impression que nous avons toujours vécu ensemble et qui transmettent cette envie de lutter et de vivre.
Cette impression de ne pas être seul, de partager, de communiquer en donnant et en recevant tant de bonheur est à l’inverse de ce que cette association m’a laissé. Je suis fier de ces connaissances plein de culture et de joie de vivre avec qui je peux continuer ma route sans ambiguïté.

Dernier voyage avec les Amérindiens

13 juin 2015

JP
Je t'ai connu dans le centre anticancéreux Gustave Roussy de Villejuif.
Nous avons d'emblée décidé de travailler au profit de cette association unique de lutte contre les cancers masculins et pour la recherche, afin de combattre notre maladie commune en sachant que nous allions laisser du monde sur le bord du chemin.
Nommé au poste de responsable partenariat communication de cette Association, tu te donnais royalement à cette mission, entouré de ta vieille garde et de tes fidèles Lieutenants.
Tu étais pourtant le pilier de cette Association.
Tu étais l'acteur valeureux généreux toujours en quête d'idées novatrices pour notre avenir.
Tu étais le Chef d'Etat Major, qui, dans l'ombre, donnait de ton temps si précieux et agissait au profit de tous.
Mais certaines flèches décochées sont fatales…
Tu as tenu cinq ans, à marcher vers l'avenir en partageant avec moi : nos doutes, nos peurs, nos angoisses et nos profonds moments de solitude.
Peu à peu tu es devenu trop fragile et trop fatigué pour continuer la route, malgré le soutien permanent de Dominique et des pensées positives de ceux qui t'aiment.
Parmi tes confidences, je me dois de citer :
-  La négligence initiale de ce médecin que tu croyais être un ami,
-  Ces derniers mois, ce sentiment d'être lâché par l'Association, par le corps médical
-  Toutes ces paroles et ces manques de respect qui tuent.
 
JP, un sacré personnage, un beau parcours.
Tu m'as pris par la main pour m'amener dans une Eglise.
Rieur, blagueur, modeste, un réel livre ouvert sur la connaissance du monde, un véritable  pharmacien de la vie, bouillonnant de culture.
Croyant, plein de reconnaissance pour son épouse, plein d'amour pour sa tribu.
Le Canada, les Etats-Unis tu connaissais, tu respirais le désir d'être un amérindien.
Tu étais Pharmacien comme ton épouse. De surcroit Président de la fédération du conseil syndical des pharmaciens de l'allier.
Je t'ai nommé Général pour combattre la maladie, tu te disais royaliste.
« Toi visage pâle vouloir être un indien. »
Je te remets ma pagaie pour, après la vie, au fil de l'eau, poursuivre le chemin sur ce long fleuve tranquille où les paysages sont les plus beaux.
Je sais que comme nos frères de combat, je devrai rejoindre ta pirogue, mais pardonne-moi si je ne souhaite pas répondre à ton invitation avant plusieurs années…, j'ai encore beaucoup à faire ici-bas, des graines à planter, des fleurs à offrir.
Il te faut aussi apprendre l'usage de cette pagaie protectrice.

On m'a confié que ta mère Charlotte était venue te prendre par la main pour t'accueillir là où tu seras désormais à l'abri de toute souffrance.

Tes mots étaient « Bouge pas j'y vais » !!!!
On ne bouge pas et on te laisse cette fois y aller sans nous.

JP, j'ai pratiqué, JP, j'ai aimé.
Protège moi, protège aussi ceux et celle qui randonnent sur des chemins de traverse.

Au revoir J.P.
Marc, compagnon de douleur

Jean-Pierre est parti, une nouvelle étoile dans le ciel

9 juin 2015

Ce blog depuis trois ans m'a donné la force de continuer cette forme de résistance vis à vis de ce voyageur clandestin.
Au fil des écrits et des contacts qui en ont découlé, les patients, les femmes, filles, fils, accompagnants, ont formé autour de ce blog comme un rempart, une armée soudée sur une lutte.
Ce soir, il y a un soldat en moins dans notre armée de bras cassés, ça fait mal à un point que je n'aurai jamais imaginé.
J'en peux plus de perdre des amis que je n'ai jamais côtoyé mais qui ont partagé nos peurs.
J'ècris les yeux encore rouge et les sanglots au fond de la gorge.
Merde, ça fait mal.
Il y presque un an, c'était Didier, un peu avant, le père de Céline, aujourd'hui c'est Jean-Pierre, demain ce sera peut être Jules ou Jean-Marc.
Il y a des moments où je ne voudrais plus écrire, simplement crier.

Comment va mon cancer

3 juin 2015

J'ai dépassé les trois ans de survie d'un cancer métastasé qui au départ ne me donnait aucune chance de vous écrire aujourd'hui.
Je suis passé par des thérapies qui m'ont ruiné ma vie et mon travail.
Aujourd'hui, je suis au lendemain d'une nouvelle cure de chimio qui petit à petit me détruit en même temps qu'elle atténue la bête.
Je ne sais plus trop où je vais. Donner toutes les chances aux toubibs pour tester leurs dernières découvertes qui pourraient aboutir à une "guérison", réagir vis à vis de ceux qui me prennent pour un mistificateur, puisque je ne suis pas mort ou choisir de finir à mon rythme en profitant du temps qu'il me reste.
Le choix est peut-être un cocktail de tout ça. Pour le moment, je ne suis pas au mieux de ma forme et j'ai un peu de mal à gérer les priorités.