Expérience de chimio

18 novembre 2016

La Peugeot 203 de 1959 est au mieux de sa forme. Nous avons pris le temps de restaurer l’essentiel et de raviver les parties historiques qui ne demandaient qu’un petit coup de lustrage. Elle ne tousse plus, ne crache plus de vilaines fumées noires et va même jusqu’à ronronner.

C’est fou à quelle vitesse une machine issue du génie de quelques ingénieurs qui après plusieurs années de turpitudes se trouvait à l’article de la mort, se met soudainement à gazouiller comme un fringant pinson. En mécanique, quand une pièce est défectueuse, il suffit de la changer et avec quelques réglages et tout repart.

Pour l’humain, c’est un peu plus capricieux et bien entendu terriblement plus complexe. Depuis mi-septembre, je suis de nouveau sous chimio toutes les trois semaines avec des injections de Jevtana. Mon PSA dans l’attente d’un essai clinique était monté à 650 et les métastases s’étaient bien diffusées au gré des places disponibles sur mon pauvre petit corps. Pour être clair, je n’ai pas trop de zones osseuses qui soient sans taches plus ou moins menaçantes.

Nous venons de passer la troisième injection et comme la 203, la carcasse se restaure à grand pas. Le PSA est tombé de moitié et dans 1 mois nous pourrons faire le point sur ce qui devrait être une diminution de ces putains de métastases osseuses. On pourrait dire que tout va bien.

Il faut bien comprendre que l’amélioration d’un symptôme ou d’un pronostic ne veut pas signifier une régression de la maladie. C’est une pause, une pause où le malade a perdu une partie de son autonomie et de sa force pour lutter. Même en cas d’amélioration, nous continuons à chuter doucement. De traitement en thérapie, nous gagnons du temps et nous perdons de la force. Le temps de récupération est de plus en plus difficile et pénible, les effets secondaires de plus en plus violents et, inconsciemment, petit à petit la vigueur dans la lutte peut s’amenuiser.

Ce qui est paradoxale, c’est que l’envie de lutter et de vivre est plus déterminée que cette capacité à combattre ce cancer par une simple résistance physique. La résistance n’a rien à voir avec le courage ou avec la force. Il y a quelque chose en moi qui jusqu’à maintenant me permet de tenir tête à ce passager clandestin. La fatigue, les douleurs et les embarras créées par ces effets secondaires sont certes handicapants mais ne supprime pas cette détermination à résister. Je puise cette énergie dans les regards de ma moitié et de mes proches, dans ce que m’offre la nature tous les jours. Le mental prend le dessus sur le physique avec bien-entendu quelques dérapages mais il reste solide.

Movember

15 novembre 2016

Définition Wikipedia : Movember (ou Movembre) est un événement annuel organisé par la fondation Movember Foundation Charity. Chaque mois de novembre, les hommes du monde entier sont invités à se laisser pousser la moustache dans le but de sensibiliser l'opinion publique et de lever des fonds pour la recherche dans les maladies masculines telles que le cancer de la prostate. Le nom vient de la contraction de « mo », abréviation de moustache en anglais australien, et de " November " (novembre). Depuis 2003, cette fondation australienne relève le pari de " changer le visage de la santé au masculin ".

La réalité, est qu’une association a trouvé un moyen simple en agissant sur la sensibilité des citoyens de se faire un max de fric. Autrement stipulé, un grand nombre de lobbyiste ou simplement de représentants et de dirigeants de ce système vivent royalement autour de notre planète, pendant que d’autres meurent de leur cancer. Une part des collectes est redistribuée sur des actions de prévention.

Je vais vous faire ma version de Movember, celle d’un malade qui vit tous les jours seul avec sa maladie. Quand je dis seul, je n’exclus pas mes proches qui vivent la même chose que moi. Je vous parle d’un système qui ne prend pas en compte les malades; comme s’il ne fallait pas parler des condamnés.

Je ne suis pas parano de nature, mais quand un toubib qui vous suit depuis plusieurs années vous propose d’un coup une consultation chez le psy pour vous, malade, et pour votre femme, "accompagnante", que dans le même temps ce même médecin vous renvoie chez votre généraliste pour la prescription d’antidouleurs, alors qu’il est au fait de votre état, on peut se poser des questions.

Depuis la création de ce blog qui a environ 300 visites par jour, je ne cesse de pester contre ces toubibs qui soignent la maladie ou du moins la jugule avec les moyens qu’on veut bien leur donner. Malgré toutes mes digressions sur ces professionnels de la santé, je n’ai jamais eu le moindre contact ou commentaire de leur part. J’ai un grand nombre d’échanges avec d’autres malades, des femmes de malades ou des proches inquiets, mais pas de toubibs, pas de soignants en général. Si l’un de vous tombe par le plus pur des hasards sur ce texte, j’aimerai bien avoir sa version sur cette "retenue".

Pendant ce temps, de mon côté, je continue mon bonhomme de chemin. Je m’arrange des prescriptions et adapte seul la posologie en fonction de mon ressenti. Quand je suis en cures de chimio comme demain, je présente au toubib de service une analyse de sang complète avec PSA, pour lui permettre d’avoir des degrés d’analyse, (toujours appréciés) alors que sur leur ordonnance, seuls les risques d’hématologie étaient spécifiés. Autrement dit, jusqu’à quand il va résister.

Vous voyez, sans vous en dire plus, je ne vais pas vous expliquer qu’en période de promotion de la prévention il faut rester muet. La prévention est certes importante et trop souvent négligée, mais la prise de conscience du vécu d’un malade, de la souffrance quotidienne, du mépris de la victime du cancer par une certaine partie du corps médical et en tout cas des politiques qui préfèrent parier sur la croissance est insupportable.

Ecoutez votre corps, consultez si vous avez le moindre doute, et pensez à vos proches.